Les Spectacles à Essence Magique
La salle était pleine alors que je trouvais enfin ma place, sur les troisièmes balcons, faisant directement face à la scène, laquelle ayant en guise de plancher un tissu ressemblant à de la soie tendue jusqu’à la rigidité, qui flottait littéralement à plus d’un mètre du sol.
Pour ma part, je m’étais déjà promené dans les foires et avais vu, de même que la plupart des gens, les saltimbanques faire des tours de magie s’apparentant plus à des tours de passe-passe qu’à la pure essence des arcanes. Les tours principaux, dans les rues, certes impressionnants, étaient vite lassants. Un des plus impressionnants mettait en scène un artiste jonglant avec des boules de feux qui s’échauffaient tout au long du spectacle jusqu’à devenir incandescentes et laissaient des traînées de fumés dans leur sillage, entourant le jongleur-magicien de traits gris qui dessinaient des formes en l’air.
Mais la personne qui m’avait invité ici m’avait promis des sensations totalement différentes, nouvelles.
« Là-bas, tu n’avais que la vue pour juger, ici tu partiras à la découverte de tous tes sens... »
Je m’y étais donc rendu avec empressement, muni de mon billet (qui était en papier véritable ! Extrêmement rare sur Aereethe) et de mes plus beaux atours.
Les personnes présentes venaient pour la plupart de la haute aristocratie, frou-frou et voiles étaient omniprésents et les rires francs et tonitruants des foires avaient été remplacés par de doux gloussements et des compliments polis.
Soudain, la lumière s’éteignit et une musique se fit entendre. Pas de celle qui sortirait d’un quelconque instrument, non, mais une musique qui apparaissait dans notre esprit et s’accordait à nos pensées et sentiments tant et si bien que j’étais persuadé qu’aucune personne « n’entendait » la même mélopée.
Puis, comme dans un rêve, je vis des traits courbés et gracieux sortir de chacun de nous, comme si les notes qui nous emplissaient tendaient vers la liberté. Ces notes étaient magnifiques à voir; de couleur argentée, dorée ou sylvaine, elles ondulaient gracieusement devant chacun de nous. Alors tous ces volutes se rejoignirent sur la scène flottante et, se liant, se mêlant et s’entrelaçant dans un magnifique chaos orchestré, vinrent à former plusieurs visages, tous étincelants de plus belle jusque dans une explosion de particules inondant toute la salle avant de se résorber en son centre et de reformer les volutes initiaux.
Les traits divergèrent chacun vers un coin du bâtiment, se mouvant lentement avec grâce, séduisants et frivoles dans leurs danses joyeuses, et vinrent se loger contre le mur, éclairant ainsi toute la salle d’un hâlo divin.
Emerveillé par ce spectacle, je mis un certain temps à ramener mon regard vers le centre de la salle afin de constater qu’une dizaine de personnes se trouvaient au centre de l’estrade flottante, tous habillés d’une robe bleu nuit.
De là ou je me trouvais, je pus distinguer un lutin ainsi qu’un Ta'aShal, son corps reflétait les lumières des « traits magiques » de façon fort charmante. Tous les autres avaient la physionomie d’Elfes et je supposais donc qu’il s’agissait de Hauts Elfes, passés en maître dans ce domaine.
La foule applaudit alors l’entrée en scène des Grands Magicien et je compris que tout ce qui s’était passé n’était encore qu’une introduction, que le spectacle n’avait pas vraiment commencé.
Les Magiciens s’élevèrent dans les airs et une boule de ce qui semblait être du cristal des plus purs se matérialisa lentement autour d’eux. De cette boule partit des volutes argentés et respirer cette substance éveillait les sens, procurait des sortes de douces hallucinations mais toutes orchestrées par les magiciens. Chaque nouvelle image s’imposait en douceur à nos esprits.
Nous plongeâmes alors dans une sorte de rêve collectif et chaque sensation était entièrement nouvelle, autant au niveau esthétique que ressenti. Le feu dompté se propageait dans la salle et nous traversait sans cesse, les plantes imaginaires et grandioses croissaient à l’intérieur de nos âmes pour finir par germer sur notre épiderme, respirer à travers nos poumons et se repaître de la lumière magique de la salle.
Tout ceci, je vous le conte car je l’ai vécu intérieurement, et bien d’autres choses encore, inoubliables, qui me forcèrent à me plonger au plus profond de moi, des mes instincts et sentiments.
Le chaos régna en maître pendant un soir, mais pas de celui craint par les religions, une graine de folie se propageant dans un rouage parfaitement huilé, créant miracle sur miracle et germant dans nos esprits.
Pas d’art sans chaos ?